Luc 16,1-13 Amos 8,4-7 1tm 2,1-8
Que comprendre aujourd’hui de cette page d’évangile étrange ? Nous incite-t-elle à la malhonnêteté du gérant de la parabole ?
Comme toute parabole évangélique, celle que relate Luc a pour objet de nous aider à capter ce qui nous permet d’ajuster notre vie à Dieu. Serait-il malhonnête ?
Evidemment non ! Il faut donc chercher un peu plus profondément ce dont il s’agit. En avez-vous idée ?
Cette parabole suit immédiatement celles que nous avons entendue la semaine passée. Même très différente, elle en conserve le principal enseignement. Que fait en effet le gérant malhonnête ? Il dilapide le bien de son maître, aux dires de ses détracteurs. Curieusement, il semble plus prompt à réduire les dettes des débiteurs qu’à s’enrichir lui-même, même si ses intentions ne sont pas exemptes d’intérêt. Cependant, aussi étrange que cela paraisse, le maître fait l’éloge de son gérant décrié pour cette gestion généreuse.
Qui se cache derrière le gérant et derrière le maître ?
A y regarder de près, cette parabole m’apparaît être un résumé de la mission de Jésus.
Il est le « gérant », en ce monde de la miséricorde divine. Il s’acquitte de sa mission généreusement tout au long de son ministère ; au nom de son Père, il remet les dettes et fait bien davantage encore. Sa résurrection est en quelque sorte l’éloge du Père à son égard.
Mais que vient faire l’histoire de l’argent là-dedans ?
Jésus est un observateur de la manière dont les hommes vivent, sur laquelle il appuie ses paraboles. Il connait bien aussi la veine prophétique biblique, dont nous avons entendu un aspect avec le livre d’Amos.
Ce témoignage, le premier des messages prophétiques de l’Ancien Testament, dont l’origine remonte sept siècle et demi avant Jésus, stigmatise les profiteurs, dont nous savons aujourd’hui qu’ils menacent jusqu’à l’équilibre de la planète et pourrissent les relations sociales. Le prophète dénonce l’idolâtrie liée à l’injustice, donc l’infidélité au Dieu de l’Alliance, dans le Royaume d’Israël. Il annonce la chute qui le guette. Elle sera effective en 722 avant Jésus-Christ.
Jésus, inscrit dans cette lignée prophétique, dénonce à son tour la mauvaise gestion, la mauvaise utilisation des moyens à notre disposition, dont l’argent.
Il nous dit en substance : si nos créations deviennent nos maîtres, si nous les idolâtrons quel avenir pouvons-nous espérer en Dieu ? Nous ne pouvons servir deux maîtres, Dieu et l’argent. Il nous faut choisir.
Si, au contraire, ce dont nous usons sert la qualité des relations humaines et le respect de la Création dans laquelle nous sommes inscrits, le Créateur, Maître des temps et de l’histoire ne fera-t-il pas notre éloge ?
La parabole de ce dimanche, en nous révélant une fois encore la miséricorde divine dont Jésus est le héraut, nous invite à user des biens de ce monde en gérants habiles, au service de la miséricorde, de l’équité, de la justice, du respect, « afin que nous puissions mener notre vie dans la tranquillité et le calme, en toute piété et dignité », avec pour horizon ultime « la pleine connaissance de la vérité », selon les mots de l’Apôtre Paul.
C’est donc de connaissance de la vérité dont il est question dans l’évangile, pas de malhonnêteté. Elle passe par la gestion astucieuse et juste, des ressources communes, de notre quotidien, de nos relations, conformément à la manière d’agir du Christ Jésus.
Quels gérants décidons-nous d’être ?
Dominique Rameau