Le carême, un temps formidable !
Il y a un temps pour tout déclare le livre de l’Écclésiaste (Qo 3,1-8). Avec Saint Paul, nous pouvons voir dans le carême un kairos, un «moment favorable » (2 Co 6,2). Six semaines pour vivre une montée vers Pâques. En ces temps incertains de pandémie, de couvre-feu, de confinement peut-être, comment ce carême peut il être un kairos, un moment favorable, une disposition à la rencontre du ressuscité ? Comment le vivre comme une dynamique positive en ces temps où on ne voit pas clair ?
Le pape François, nous propose de considérer la crise engendrée par la Covid comme un temps favorable pour prendre conscience des changements nécessaires dans notre vie. Aussi, dans la foi et l’espérance, sommes-nous invités à vivre un carême de partage et de réconciliation.
Le partage suppose un consentement au dépouillement du superflu, des acquis, des certitudes, pour une conscience de soi plus vive, pour mener une réflexion sur sa vie personnelle, améliorer et changer ce qui doit l’être.
La réconciliation nous fait marcher vers la fraternité universelle à laquelle nous appelle le pape dans l’encyclique Fratelli tutti. Vivre cette unité fraternelle en particulier dans notre église où menace toujours la tentation des clans.
Vivre ainsi ce temps du carême résolument tourné vers Pâques, c’est désirer naître à neuf, dans le contexte d’aujourd’hui : d’une une vie sociale et d’une planète abimée…, pour changer notre regard et voir en chacun un ressuscité en puissance. L’essentiel est dans le regard et dans l’écoute. Cela suppose de ne pas « être encombré de soi ».
Ce « temps favorable » peut être aussi l’occasion de nous poser des questions :
Sur quoi suis-je fondé ? Quelle est ma nourriture essentielle ? Qu’est-ce qui donne du goût à mon existence ? Quel est le goût que nous propose l’Ecriture ? Qu’est-ce qui m’y est donné à entendre d’essentiel pour mon existence?
Avec Fratelli tutti, le pape invite à « constituer un ‘’nous’’ qui habite la Maison commune » (FT n 17), par le chemin « d’une fraternité ouverte qui permet de reconnaître, de valoriser et d’aimer chaque personne indépendamment de la proximité physique, peu importe où elle est née ou habite. » (FT n°1).
Mercredi des Cendres
« Convertissez-vous et croyez à l’Évangile »
L’évangile de ce mercredi des Cendres nous invite à nous retirer dans notre chambre pour prier. Dans ce « confinement » spirituel, il nous faut appréhender la réalité autrement ; passer du danger d’isolement à la vie relationnelle. Le confinement nous a obligé à « faire de la place » dans notre vie. Et si c’était pour y accueillir le Christ ?
S’appuyant sur les trois piliers de la pratique juive – l’aumône, la prière, le jeûne – Jésus prolonge jusqu’à la perfection ce conseil du livre de Tobie : « Mieux vaut prier avec vérité et faire l’aumône avec justice qu’être riche avec injustice » (Tb 12,8). Une vie selon l’Évangile est une vie sous le regard du Père. Elle implique un retour au Seigneur sans arrière-pensée par la mise en pratique des exigences du Royaume, dans une double dimension, personnelle et communautaire. L’essentiel n’est cependant pas dans nos efforts, mais dans une découverte approfondie de ce Dieu vers qui nous revenons, « un Dieu tendre et miséricordieux ». Entre la double exigence de conversion et de vie selon l’Évangile, Paul apporte le jalon manquant à l’aide de deux formules qui s’offrent à notre méditation : « laissez-vous réconcilier avec Dieu » et « ne pas laisser sans effet la grâce reçue de lui ». En recevant les cendres, nous ferons résonner la parole : « convertissez-vous et croyez à l’Évangile ».
P. Joseph Auneau
1er dimanche de Carême « Rêve »
« j’établis mon alliance avec vous »
Jésus est conduit au désert. Pour Lui, il n’est pas d’abord le lieu du cœur à cœur avec le Père mais celui du combat et de l’épreuve. Jésus emprunte un chemin en prise avec le réel de ses contemporains. C’est aussi à cela que nous exhorte François. Son rêve de fraternité n’est aucunement une fuite de la réalité ou l’expression d’une utopie irréalisable. Il s’agit de construire la justice et la paix, ce ‘nous’ qui habite la maison commune (FT 4, 8, 30).
Cette invitation au rêve nous pousse à »rêver d’un avenir meilleur » qui devient ferment pour »créer les conditions de sa réalisation » (FT 37). Entrons dans le combat de Dieu pour bâtir un monde plus conforme à son projet d’amour et de fraternité.
D’après le P. Aurélien Foucault
L’Ecriture nous dit encore :
Poussé par l’Esprit, Jésus est resté « confiné » quarante jours au désert. Il en sort pour vivre l’Evangile, pour réaliser l’Alliance éternelle. En Noé, Dieu avait fait alliance avec l’humanité tout entière et la création. L’arc-en-ciel en était le signe.
L’anéantissement n’a pas eu le dernier mot. Dieu s’était engagé à ne plus détruire le vivant. L’Apôtre Pierre relit le geste de Noé comme une préfiguration du baptême dans le Christ : « l’engagement envers Dieu d’une conscience droite ».
Nous qui avons été baptisés dans le Christ, quel part prenons-nous à la fraternité ? Quel sort réservons-nous aux plus fragiles dans notre société ?
Avec l’encyclique Fratelli tutti, « Nous sommes appelés à être les instruments de Dieu le Père pour que notre planète soit ce qu’il a rêvé en la créant, et pour qu’elle réponde à son projet de paix, de beauté et de plénitude. » (LS 53)
2ème dimanche de carême : « Amitié »
Dans l’Évangile de la Transfiguration, Jésus est désigné par le Père comme le Fils Bien-aimé. Pierre et ses compagnons sont invités à l’écouter. En lui, le disciple découvre comment Dieu, depuis toujours, se fait l’ami des hommes et invite sans cesse à accueillir et à adhérer à cet amour, librement, gratuitement, tendrement et jusque dans le don total de soi comme nous le voyons dans la première lecture avec Abraham. Dieu nous aime d’un amour total et inconditionnel et cet amour nous invite à nous offrir à Dieu, à nous donner aux autres. L’amitié est cette relation confiante d’amour qui vient de Dieu et qui nous fait exister véritablement comme personnes et comme disciples du Christ. Sans cet amour, nous ne sommes rien, dit-Saint Paul en (1Co. 13). L’amitié, dans ce sens, est notre raison d’être au monde.
D’après le P. Camille Somé
Abraham est la figure de l’homme de foi. Il croît tellement en Dieu qu’il est prêt à offrir son fils unique. Sa confiance absolue sera féconde. Dieu fera de lui une bénédiction pour toutes les nations de la terre. « Puisque tu as écouté ma voix, toutes les nations de la terre s’adresseront l’une à l’autre la bénédiction par le nom de ta descendance. »
– L’exemple de Ste Thérèse de Lisieux nous invite à pratiquer la petite voie de l’amour, à ne pas perdre l’occasion d’un mot aimable, d’un sourire, de n’importe quel petit geste qui sème paix et amitié. Une écologie intégrale est aussi faite de simples gestes quotidiens par lesquels nous rompons la logique de la violence, de l’exploitation, de l’égoïsme. (LS 230)
3ème dimanche de carême : « Pauvreté »
« Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple ainsi que les brebis et les bœufs… dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d’ici. Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de commerce ». (Jn 2, 15-16) Jésus ne milite pas pour la fermeture des commerces non essentiels… Il nous invite à revenir à l’essentiel de notre foi. Nos célébrations, même belles, ne sont que des cuivres qui résonnent si elles ne sont pas d’abord le témoignage de notre attention aux plus petits. Jésus s’en prend tout particulièrement aux marchands de colombes (les offrandes des plus pauvres). Cette colère de Jésus au Temple, nous invite à nous remettre en question. Nous sommes le temple de l’Esprit, qu’en avons-nous fait ? Que faisons-nous par ailleurs de la clameur des pauvres ?
– « Quand nous donnons aux pauvres les choses qui leur sont nécessaires, nous ne leur donnons pas tant ce qui est à nous, que nous leur rendons ce qui est à eux ». (FT 119) « Les plus petits, les plus faibles, les plus pauvres doivent susciter notre tendresse. Ils ont le droit de prendre possession de notre âme, de notre cœur. Oui, ils sont nos frères et nous devons les traiter comme tels ». (FT 194)
4ème dimanche de Carême : « Pardon »
Le Carême est une histoire d’amour. Dieu est riche en miséricorde même si nous nous ne sommes pas très fidèles. Le pardon est au cœur du Carême pour nous préparer aux fêtes pascales. Il nous plonge dans l’amour infini de Dieu pour l’humanité qui se révèle dans la venue du Fils parmi nous. Toute sa vie le manifeste. La croix, source de vie pour les croyants, en est l’expression ultime. L’homme, bénéficiaire de cet amour, est invité à une vie renouvelée. Dieu souhaite rendre sa dignité et sa beauté à sa création tout en respectant la liberté humaine. La lettre aux Éphésiens nous manifeste la tendresse de Dieu pour les pécheurs. Il nous a ressuscités avec le Christ. Avec lui, ce qui était mort devient vivant, ce qui était divisé se trouve réconcilié. Il appartient au croyant de s’engager pour discerner et pour réaliser ce que Dieu lui propose. Il nous permet de faire la vérité en nous, pour devenir davantage artisans de paix et de justice.
D’après le P. Jean-Luc Mairot
– … chrétiens, nous ne pouvons pas cacher que « si la musique de l’Évangile cesse de vibrer dans nos entrailles, nous aurons perdu la joie qui jaillit de la compassion, la tendresse qui naît de la confiance, la capacité de la réconciliation qui trouve sa source dans le fait de se savoir toujours pardonnés et envoyés. (FT 277)