Une montagne, un fils unique, un autel, du bois pour l’holocauste, voici quelques-uns des ingrédients du récit de la Genèse proposé à notre méditation. Ce morceau incontournable de la tradition juive et biblique que l’on retrouve d’ailleurs sous une autre forme dans la tradition coranique fait écho à un autre récit, celui d’une expérience relatée par l’évangéliste Marc et dont parle l’apôtre Pierre dans 2P 1,16. Il est convenu de l’appeler la Transfiguration du Christ.
Deux récits pour ce deuxième dimanche de carême qu’il nous est proposé d’entendre ensemble. La lettre de Paul aux Romains qui les accompagne peut en éclairer le sens.
Ces deux récits très différents quant à la situation décrite, présentent cependant plusieurs similitudes.
Abraham est invité à se rendre sur la montagne que lui indiquera Dieu. Dans l’évangile, Jésus emmène trois de ses disciples, à l’écart sur une haute montagne. Dans un cas comme dans l’autre, nulle précision sur le mont dont il s’agit. On peut raisonnablement penser que cela n’a pas d’importance. Seul compte le fait de l’ascension dans ce lieu hautement symbolique, c‘est le cas de le dire, de la relation intime avec Dieu. La montagne est ce qui touche au ciel. Elle est le lieu de la familiarité de l’amitié avec Dieu vécue dans l’écoute profonde du message d’amour qu’il adresse à l’humanité.
Curieuse façon d’aimer, pouvons-nous penser, que de demander à celui qui est le visage emblématique de la foi confiante, Abraham d’offrir son fils en holocauste !
S’arrêter à cet instant du récit de la Genèse c’est prendre le risque de ne l’écouter qu’à demi. Abraham répond à l’injonction divine selon ses critères, d’alors. L’holocauste se célèbre, selon lui par l’immolation d’une victime. Mais le Seigneur a parlé d’offrir, pas d’immoler. L’ange du Seigneur, qu’Abraham prend soin d’écouter lui révèle le véritable sens de cette offrande. Comme le proclame le psaume 39 : « Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as ouvert mes oreilles », l’holocauste qui plaît à Dieu c’est un cœur qui écoute et fait totalement confiance. Ainsi d’Abraham !
Il a offert son fils unique à Dieu, confiant dans la promesse à lui faite d’une descendance nombreuse. Sa qualité d’écoute fait de lui une bénédiction pour toutes les nations de la terre, un modèle d’écoute.
A cette même écoute (nouvelle similitude entre les deux récits) sont conviés les disciples présents sur la montagne. Une voix leur intime d’écouter celui qui est désigné comme le Fils bien aimé. Fils il l’est dans l’obéissance, autrement dit, dans l’ajustement parfait au désir du Père, par la qualité de son écoute. En grec le même mot, akouein, traduit écouter et obéir. Jésus est l’écoute parfaite du Père c’est pourquoi il en est la parole vivante, l’expression suprême et lumineuse en notre humanité. L’événement de la transfiguration le signifie. La résurrection, dont parle l’apôtre Paul donne sens à l’événement. Le transfiguré, qui va passer par le bois de la croix, dont celui posé par Abraham pour l’holocauste est comme la préfiguration, est le vivant éternel. Il est l’offrande que Dieu nous fait de sa propre vie en son fils comme signe de la confiance et de l’amitié qu’il manifeste à l’égard de l’humanité, offrande à laquelle Abraham s’associe dans la foi par l’offrande d’Isaac.
Ces deux récits accueillis ensemble en ce jour, sont comme une invitation à faire de ce carême un temps d’écoute, d’intimité, d’amitié profonde avec Dieu. Une écoute et une amitié qui culminent jusqu’à l’offrande de tous les instants de notre existence à Dieu. Cela s’exprime par les gestes simples du quotidien lorsqu’ils sont vécus par amour.
« L’exemple de Ste Thérèse de Lisieux nous invite à pratiquer la petite voie de l’amour, à ne pas perdre l’occasion d’un mot aimable, d’un sourire, de n’importe quel petit geste qui sème paix et amitié. Une écologie intégrale est aussi faite de simples gestes quotidiens par lesquels nous rompons la logique de la violence, de l’exploitation, de l’égoïsme » « écrit le pape dans LS 230.
Prions le Seigneur de nous donner une telle qualité d’écoute dont l’attention fraternelle quotidienne soit l’expression.
Père Dominique Rameau
28 février 2021